En adoptant les ODD (Objectifs de Développement Durable), la communauté mondiale s’est engagée à mettre fin au travail forcé d’ici 2025. Ce qui est loin d’être une réalité concrète dans un continent comme l’Afrique où les inégalités socio-économiques ne cessent d’augmenter et la traite des êtres humains à grande échelle de s’intensifier.
Beaucoup considèrent l’esclavage moderne comme un crime caché, bien qu’il se déroule sous notre nez. Il peut prendre plusieurs formes : traite des êtres humains, travail forcé et servile, exploitation sexuelle, mariage forcé, servitude domestique, prélèvements d’organes etc.
L’esclavage moderne : état des lieux
La définition de la réalité en tant que telle reste tout de même complexe car elle implique plusieurs facteurs sur le terrain. Dans cette dynamique, les estimations par rapport à l’ampleur de la traite des êtres humains continuent de frôler l’absurdité. Aujourd’hui, il est avéré que tous les continents sont touchés par ce phénomène. Malgré l’ambition et la volonté des décideurs et autres acteurs de réduire la portée de cette réalité, l’exploitation des enfants, des femmes et des hommes semble piéger l’histoire de l’humanité jusqu’à nos jours. Les chiffres de 2017 sont en ce sens alarmants : 152 millions d’enfants sont victimes de traite dans le monde et 25 millions d’adultes sont obligés de travailler de manière forcée sur le marché selon l’Organisation Internationale du Travail.
Pour atteindre l’objectif 8.7 des ODD, les Nations unies ont lancé des politiques de lutte efficaces pour contrer ce phénomène global. Certes l’esclavage est aboli depuis des années dans beaucoup de pays, mais des proportions massives le caractérisent dans plusieurs secteurs d’activités en Afrique ou même ailleurs. Si l’on peut constater que des enfants sont durement exploités sur le marché du travail, les femmes en sont historiquement de grandes victimes. A cet effet, l’expérience sexuelle des femmes est corrélée à cette dynamique d’exploitation extrême – que l’on constate particulièrement en Afrique subsaharienne. La contribution directe des enfants à l’économie s’opère quant à elle principalement dans plusieurs secteurs, notamment l’agroalimentaire, l’industrie du textile, le transport, la vente en gros et en détail. En 2016, les estimations mondiales de l’OIT montrent qu’un enfant sur 5 en Afrique est impliqué, 1 enfant sur 35 dans les Etats arabes, 1 enfant sur 25 en Europe et en Asie centrale, 1 enfant sur 19 dans les Amérique et 1 enfant sur 14 en Asie et dans le Pacifique. Ce qui évidemment place l’Afrique comme le continent le plus touché par le fléau. Parmi tous les secteurs, l’agriculture représente 85% du travail de ces enfants soit 64,1 millions d’enfants en termes absolus.
Il ne faut pas négliger non plus l’exploitation des hommes adultes, celle-ci occupe une place importante dans les statistiques. Par la même occasion, il est aussi important de comprendre la variété et la nature des formes de traite qui sont présentement mises en évidence dans le cadre du travail forcé. La question de la traite relève de mécanismes complexes et diffus, la traite étant un phénomène beaucoup plus difficile à analyser. Le phénomène de la migration fait que beaucoup de candidats au voyage se retrouvent confrontés au risque de surexploitation par des réseaux de trafiquants et autres marchands modernes d’esclaves sur la rive méditerranéenne par exemple.
Une situation plutôt visible dans beaucoup de pays en Afrique
En clair, les réseaux d’exploitation des enfants explosent dans plusieurs pays, notamment au Mali, au Ghana, en Tanzanie, au Congo. La traite des enfants se remarque nettement dans le domaine de l’industrie extractive. Des enfants sont souvent enrôlés de force dans ces grosses machines pour y extraire les minerais, aux risques de leur propre vie. Sachant surtout que l’utilisation du mercure constitue un réel danger de santé publique pour ces enfants. Et paradoxalement, les principaux bénéficiaires de ces activités sont extérieurs au groupe. Pire, ils maintiennent une espèce de dictat sur les pays où sont exploités certains de ces gisements, en employant les couches les plus défavorisées. En Afrique, les entreprises peuvent même aller jusqu’à réduire les coûts de la main d’œuvre afin de s’assurer d’un niveau de progression et de production économique rentables. La chose la plus absurde est lorsqu’il est difficile d’évaluer l’impact des chaînes d’approvisionnement. Les entreprises utilisent, comme un peu partout ailleurs, des agences dédiées pour organiser la sous-traitance dans tous les secteurs. La pression sur les coûts et prix les poussent davantage à développer un régime d’exploitation commun sur le marché du travail avec un vrai marché noir qui ne cesse d’étendre son pouvoir et son territoire.
Ces indications révèlent à grande échelle les lacunes dans la législation, l’application de loi, l’accès à la justice dans certains de nos pays, créant ainsi un espace de non-respect des normes internationales du travail. Pourtant, l’ONUDC indique que 168 pays sur 181 ont adopté une législation criminalisant la traite des êtres humains, conformément au protocole des Nations Unies relatif à la traite des personnes.
Au Sénégal par exemple, c’est plutôt la problématique de l’enfant “talibé” qui inspire révolte car devenue un fonds de commerce pour certains esprits mafieux qui se disent, paradoxalement, protecteurs de ces mêmes enfants.
Qu’en-est-il des femmes ?
C’est la lancinante question qui perdure aujourd’hui. A l’échelle mondiale, les estimations de l’esclavage moderne en 2017 indiquent que les femmes et les filles représentent 58% des personnes soumises au travail forcé dans l’économie privée, en dehors de l’industrie du sexe. C’est pourquoi il serait difficile de cartographier les subtiles nuances de l’esclavage moderne. La complexité, par exemple, des chaînes d’approvisionnement montre à quel point les défis sont multiples dans cette direction. A ce niveau, le travail de l’ONU et de l’OCDE reste minime, si l’on se réfère aux dégâts et conséquences de ces diverses activités en Afrique. L’apport de l’intelligence artificielle demeure également rudimentaire malgré quelques bons essais. D’aucuns espèrent résoudre ce phénomène grâce à la contribution de la technologie et de l’intelligence artificielle. L’université des Nations unies s’est penchée sur cette situation. L’intelligence artificielle sera peut-être utilisée pour corriger la défaillance du marché des esclaves dans le monde. Dans tous les cas, les défis sont immenses. En Angleterre, la loi de 2005 pour mettre fin à l’esclavage moderne n’a pas forcément produit les résultats escomptés.
Une source directe à la condition économique et sociale
En Afrique, la chose politique pèse de tout son poids pour saboter la dynamique d’ouverture démocratique en étouffant certaines initiatives. Il s’agit de comprendre que les logiques de conflit permanentes, ou de mal gouvernance ainsi que le problème de la pauvreté empêchent tout développement. Le continent africain a ainsi du mal à s’affranchir de la précarité selon beaucoup de rapports commandités par la Banque Mondiale. Des analyses politiques qui sont également battues en brèche par plusieurs économistes en Afrique. Suivant la même réaction, le continent concentre un nombre important de personnes qui ne sont pas qualifiés et non formés aux métiers du futur. De ce fait, l’exploitation y est monnaie courante, et les projets de l’État n’encouragent aucunement les plus jeunes à l’auto-emploi – sans qu’ils donnent une grande opportunité à certains clients dans le domaine politique. En même temps, on assiste au fait que les riches occupent les meilleurs postes et perpétuent ces nouvelles formes d’esclavage modernes sur des bases solides qu’ils mettent en place.
L’expérience a surtout montré que la plupart des individus qui connaissent l’exploitation sont issus de couches vulnérables. Ils sont en effet discriminés à cause de l’extrême pauvreté en Afrique. La pauvreté et les possibilités limitées de subsistance qui en découlent conduisent les personnes à s’engager sur le marché du travail, quitte à subir n’importe quel type de domination. Beaucoup de parents emploient leurs enfants dans leurs plantations agricoles ou même les poussent à chercher de l’argent très tôt pour subvenir aux besoins alimentaires de la famille. Ce qui veut dire que les enfants et les adultes exercent quasiment les mêmes types de travail sur le marché. Non sans compter les violences dans les écoles en Afrique, une autre réalité tout à fait courante. La discrimination des enfants et le manque d’emploi décent sont au cœur de la problématique de survie économique dans nos différents pays. De plus, le décrochage scolaire chez les filles a bel et bien un rapport direct avec la forte présence de la violence dans ces institutions.
Même si certains pensent rompre drastiquement avec ce phénomène pendant un temps précis, les moyens techniques et juridiques pour le combattre demeurent inopérants. Car il ne s’agit pas seulement de préjuger de son éradication définitive mais de proposer des solutions concrètes, au-delà des programmes publics. Les pressions socio-économiques auxquelles sont confrontés les travailleurs, la conduite et l’environnement des entreprises sont plutôt décriés. Selon plusieurs chercheurs, une autre faiblesse habituelle dans la législation est le manque de précision et de clarté dans les termes « travail forcé » et « traite des êtres humains ». Ce qui entrave, disent-ils, les efforts des autorités chargées des enquêtes et des tribunaux pour traduire les affaires en justice et les jugements. Ce que l’on constate en Afrique valide avec insistance la position de nombreux chercheurs en développement durable.
El Hadji Thiam