L’Organisation des Nations Unies définissait, en 1978, les agglomérations comme “un ensemble d’habitations tel qu’aucune ne soit séparée de la plus proche de plus de 200 mètres en Europe (…).”
La ville est perçue comme un lieu de convoitise qui se justifie par ses fonctions à savoir la résidence, le travail, les loisirs et la circulation. Ainsi, cet atout que regorge la ville lui permet de se distinguer nettement de la campagne qui se définit par l’absence de ces caractéristiques de “richesse économique” inhérentes à la ville. Les villes deviennent dès lors des points d’interconnexion.
Aujourd’hui, avec le développement durable, les Etats construisent les villes à l’effigie de ce qu’on appelle “ville durable”. Ce concept permet ainsi d’intégrer les caractéristiques d’une ville qui respecte une urbanisation écologique prenant donc en compte la durabilité de l’écosystème terrestre.
Les enjeux d’une croissance démographique exponentielle sur l’avenir
L’une des principales raisons qui explique l’apparition de la ville durable s’explique par une explosion démographique à un niveau mondial qui entraîne une forte urbanisation et certainement une répartition démographique inégale entre la ville et la campagne.
Sur le plan démographique, la population mondiale urbaine est passée de près de 47 millions vers 1700 (avec un taux d’urbanisation de 8%) à 75 millions vers 1800, et à 335 millions en 1910 (avec un taux d’urbanisation de 19%). En 1950, elle était estimée à environ 724 millions d’individus (33% de la population totale de la planète). En 1980, elle était chiffrée à 1,806 milliards et à 3,15 milliards en 2005, selon les Nations Unies (Diop et Timéra, 2018).
La ville est devenue une terre d’attrait grâce à ses conditions de vie. Il apparaît clairement que l’urbanisation est un fait évident. Le 23 mai 2007 marque une étape essentielle dans l’histoire de l’humanité. Officiellement, c’est à partir de cette date, selon l’Organisation des Nations Unies, que la majorité de l’humanité vit désormais dans les aires urbaines. Par conséquent, gérer le monde équivaudra à gérer la ville, prendre en charge ses problèmes d’économie, d’habitat, de sécurité, d’environnement…Le processus d’urbanisation est loin de terminer. En effet, selon Courrier international, on estime que “d’ici à 2050, le nombre de citadins devrait doubler sur la surface de la terre.” Entre 1950 et 2050, l’ONU considère selon la même source que la population serait multipliée par 10.
Pour ce qui est de l’Afrique, entre 1950 et 2000, l’exode rural a multiplié par 10 la population urbaine du continent. La bonne gestion de ce processus d’urbanisation est un enjeu majeur de l’époque contemporaine.
Les enjeux d’une forte urbanisation
Sur le plan économique, les villes concentrent les activités de grande envergure ce qui lui permet de participer grandement à la bonne marche de l’économie mondiale. Selon l’édition 2019 du rapport sur les objectifs de développement durable, les villes et les zones métropolitaines sont des pôles de la croissance économique, contribuant à près de 60% du produit intérieur brut mondial.
Cependant, la croissance économique met davantage en péril la santé publique à cause des productions excessives. Les villes représentent près de 70% des émissions de carbone dans le monde et plus de 60% de ressources utilisées d’après le rapport sur les objectifs de développement durable 2019.
Cette production incontrôlée engendre la pollution atmosphérique qui, selon Jacques Fontan, résulte ainsi du rejet direct de composés gazeux ou sous forme de particules nocifs pour l’homme ou la biosphère, provenant de diverses activités humaines, industrielles, domestiques, agricoles, les transports, les combustions diverses, etc. Selon ce même rapport, neuf citadins sur dix, en 2016, respiraient un air pollué, c’est-à-dire un air qui n’est pas conforme aux lignes directrices de l’Organisation Mondiale de la Santé sur la qualité de l’air. Cette pollution cause de nombreux décès dans le monde parce qu’elle est directement responsable de près de 185.000 décès par an dans le monde selon l’OMS.
Au-delà de la santé publique, l’administration des services prend une place primordiale dans la gestion urbaine. Parmi ces services on peut citer la gestion des déchets qui reste problématique dans certains pays. En effet de nombreuses installations d’élimination de déchets sont des décharges à ciel ouvert. Ce qui contribue à la pollution des sols, de l’air et de l’eau. D’après les données recueillies entre 2010 et 2018 ; 2 milliards de personnes dans le monde vivaient sans un service de collecte des déchets et de 3 milliards n’avaient pas accès à des installations d’élimination contrôlée des déchets. Le volume total des déchets dans le monde devrait doubler et passer de près de 2 milliards de tonnes métriques en 2016 à près de 4 milliards de tonnes métriques d’ici à 2050.
Par conséquent une bonne gestion des déchets s’impose et devient un enjeu de taille. Un autre service qui nécessite une bonne gestion est le secteur des transports qui demande une consommation considérable des ressources naturelles. Selon la Banque Mondiale (2017), au niveau global, le secteur des transports est responsable d’environ 64% de la consommation mondiale du pétrole, de 27% de celle de l’énergie et est à l’origine de 23% des émissions mondiales de dioxyde de carbone liées à l’énergie.
L’urbanisation, la santé publique, la pollution atmosphérique, les déchets…sont autant d’enjeux majeurs de l’époque moderne dont leur prise en charge est inéluctable pour une gestion durable des villes urbaines. Une mauvaise gestion des villes provoque un désordre urbain qui engendre souvent des accidents catastrophiques. En témoigne l’immense éboulement d’ordures d’une décharge en Ethiopie, en périphérie d’Addis Abeba, le 11 mars 2017, qui a fait au moins 113 morts. Ou encore les inondations suivies de glissements de terrain qui ont touché Freetown, capitale de la Siéra Léone, dans la nuit du 13 au 14 Août 2017 occasionnant 499 morts et plus de 800 personnes portées disparues. L’enjeu aujourd’hui est de bâtir des villes capables d’offrir aux générations actuelles et à celles de demain un environnement sain et vivable.
Ville durable : avantages et préconisations
Que nous offre réellement la ville durable ? Elle doit nous permettre de vivre dans un environnement sûr, viable et durable grâce aux caractéristiques suivantes :
- Une qualité de vie en tous lieux
- Réduction des différentiels entre les cadres de vie avec une exigence d’une mixité sociale et fonctionnelle
- Capacité à se maintenir dans le temps, de garder une identité, un sens collectif, un dynamisme à long terme
- Réappropriation d’un projet politique et collectif, renvoyant à grands traits au programme défini par l’Agenda pour le XXI siècle (Agenda 21) adopté lors de la conférence de Rio
Il est aussi important d’ajouter qu’une ville durable est une ville qui prend bien en compte la préservation de son environnement.
Il existe une multitude d’actions pour bien sauvegarder l’environnement dans le cadre urbain. Parmi lesquelles :
- L’Éducation au Développement Durable (EDD) qui passe par la sensibilisation des citoyens sur la nécessité et l’importance de favoriser un monde durable
- La promotion du recyclage des déchets qui, en plus de favoriser une optimisation des ressources naturelles, permet de créer des emplois
- La promotion de la mobilité douce et durable : marche, usage du vélo, de la trotinete, des transports publics, …
- La promotion de l’utilisation des énergies renouvelables (solaire, éolienne…)
Sous un autre angle la ville durable est, selon l’AFD (Agence Française de Développement), les experts français et les textes européens ; avant tout comme un processus de conception, de fabrication et de gestion urbaine piloté par des acteurs publics, en forte synergie avec les forces de la société civile dans le respect des dimensions environnementales, sociales et économiques du développement durable.
Masdar City représente un bel exemple de ville durable dont l’objectif primaire est de réduire l’empreinte carbone. Nous pouvons également cité Kigala, au Rwanda qui s’érige en véritable ville durable.
L’avenir du monde se joue en grande partie dans la gestion de ses villes et donc de ses habitants.
Mohamed Diop